Hier matin est paru l’entretien que j’ai eu avec Arcinfo dans le cadre de leur série d’articles consacré à dix candidat-e-s aux fédérales. Voici la retranscription de cette page.
Silvia Locatelli: «Le système ne nous permet pas d’agir seuls»
par Daniel Droz
Nous avons reçu dans nos locaux dix candidats aux élections fédérales dans le canton de Neuchâtel. A nos yeux, ils sont les seuls susceptibles d’occuper un siège – au Conseil national ou aux Etats – à l’issue des élections fédérales du 20 octobre prochain. Candidate au Conseil des Etats, la socialiste Silvia Locatelli a pour elle son expérience du terrain politique et syndical. A Berne, elle entend se battre pour la justice sociale, une nécessité pour elle depuis sa jeunesse.
Fille d’immigrés espagnols, aujourd’hui âgée de 40 ans, mariée et mère de deux adolescents, Silvia Locatelli a une chance sur deux d’être conseillère aux Etats au soir du dimanche 20 octobre. Seule sa colistière Martine Docourt peut l’en empêcher.
Qu’est-ce qui fait courir la Chaux-de-Fonnière? D’abord, la nécessité de se battre pour plus de justice sociale. «Depuis toute jeune, les discriminations et les injustices m’ont révoltée. Celle que je vivais moi-même comme migrante mais aussi celles que je constatais.» C’est presque naturellement qu’elle va toquer à la porte du PS, le Parti socialiste. L’élection de Christoph Blocher au Conseil fédéral agit comme un électrochoc.
«Construire des solutions»
«Au début de mon engagement, j’ai parfois eu des doutes, car j’ai un positionnement très à gauche et je suis aussi sensible aux propositions amenées par l’extrême gauche.» Ils ont été levés. «Je suis quelqu’un de pragmatique qui aime construire des solutions. Nous sommes dans un système qui ne nous permet pas d’agir seuls dans notre coin.»
Et de citer, parmi les combats menés et gagnés, la loi sur le salaire minimum dans le canton. «Nous l’avons co-construite entre gauche et droite, syndicat et patronat. Je portais alors la double casquette gauche et syndicale.»
Ancienne secrétaire syndicale d’Unia, ex-députée et présidente de la section cantonale du PS, elle est aujourd’hui chargée de mission auprès du conseiller d’Etat socialiste Jean-Nat Karakash. Les affaires cantonales n’ont donc guère de secret pour elle. Elle entend porter sa voix aux Etats. «Pour rappeler que le canton de Neuchâtel a, d’une part, des spécificités qui le rendent plus exposé aux fluctuations internationales et que, d’autre part, malgré le fait qu’il ne pèse que 2% de la population fédérale, il a un poids important en termes économiques pour le pays.»
Reconversion au numérique
Formation, recherche et innovation font partie de ses priorités. La justice sociale aussi. Ne serait-ce qu’en termes de soutien à la reconversion des travailleurs «pour les aider à prendre le virage numérique».
Sans oublier la problématique de l’assurance maladie. «Neuchâtel a les primes les plus chères», relève-t-elle. «La Confédération distribue sa manne en fonction du volume de population de chaque canton et non de la composition et des besoins de celle-ci. A Neuchâtel, où il y a proportionnellement plus de personnes touchant des prestations complémentaires, presque toute la subvention fédérale sert uniquement à cela.»
AVS: «A ELLES SEULES, LES FEMMES SUPPORTERAIENT 10 MILLIARDS DE LA RÉFORME»
De grands thèmes vont agiter la vie politique fédérale les prochains mois. Êtes-vous favorable à l’élévation de l’âge de la retraite des femmes de 64 ans à 65 ans, comme proposé par le Conseil fédéral?
Je suis contre. Dans les deux cas c’est un non-sens. Je rappelle que les femmes gagnent encore et toujours en moyenne 18,3% de moins que les hommes. A elles seules, elles supporteraient 10 milliards de la réforme. La précédente réforme s’est cassé les dents sur ce relèvement. Recommencer alors que rien n’a été réglé et que la majorité de droite a refusé de mettre en place les moyens légaux nécessaires pour parvenir à l’égalité salariale est franchement incompréhensible.
L’avenir de nos relations avec l’Union européenne est lié à un nouvel accord-cadre. En l’état actuel, accepteriez-vous de le signer?
Oui mais. Oui, il nous faut un accord-cadre, car les relations entre la Suisse et l’UE sont très étroites tant en termes économiques que de formation et de recherche. C’est encore plus vrai pour le canton de Neuchâtel. Reste le vrai problème: les mesures d’accompagnement. L’UE doit donner des garanties qu’elles seront maintenues. Le Conseil fédéral a aussi les moyens légaux pour assurer une plus grande protection des travailleuses et des travailleurs. Ne serait-ce qu’en favorisant l’extension des conventions collectives de travail. Seuls 50% des travailleurs de ce pays sont soumis à une CCT.
Une nouvelle loi sur le CO2 devrait être discutée. Elle inclut notamment la taxation des billets d’avion. Une bonne décision?
C’est absolument nécessaire. Quand j’étais enfant et que je devais me rendre seule chez mes grands-parents en Galice, le billet coûtait plus de 1000 francs. Aujourd’hui, cela peut me revenir dix fois moins cher. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Si l’avion peut être nécessaire pour certains voyages en long-courrier ou pour le travail, le fait de privilégier d’autres moyens pour le tourisme devient essentiel.
Le National devra se prononcer sur la modification du droit du mariage. Elle permettrait le mariage pour tous. Y êtes-vous favorable?
Évidemment! C’est une discrimination qui n’a pas lieu d’être. Quiconque souhaite se marier doit pouvoir le faire, quelle que soit son orientation sexuelle.
Êtes-vous favorable à l’acquisition d’un nouvel avion de combat?
Non, en tout cas pas au projet du Conseil fédéral. De manière globale je considère que l’on dépense bien trop pour le militaire. Je suis d’ailleurs plus pour une armée professionnelle que de milice.
Plafonner les primes d’assurance maladie à 10% du revenu d’un ménage, pourquoi cette initiative du PS?
Le PS n’a jamais prétendu que c’était une solution aux problèmes des coûts de la santé, ni que cela suffisait à corriger le système. Mais c’est une mesure qui s’impose tant que le système ne sera pas revu: le poids des primes d’assurance maladie sur les ménages est de parfois 15% voire 20%, Cela en fait le poste le plus cher avec le loyer. Nous ne pouvons pas laisser les ménages être étranglés. Certains font le choix d’augmenter leurs franchises. Ils s’exposent donc ainsi plus et supportent une charge d’autant plus grande.
DITES TOUTE LA VÉRITÉ
Quand avez-vous pris l’avion la dernière fois? Pour aller où?
Je l’ai pris en février dernier pour aller voir mes parents qui vivent dans le sud de la Catalogne. Ma mère avait des problèmes de santé et je ne l’avais pas vue depuis deux ans. J’avais trois jours devant moi.
Avez-vous une voiture? Quelle énergie la propulse?
Oui, à essence. Elle a cinq ans. Pour l’heure, la voiture semble le moyen le plus commode pour l’organisation familiale puisque nous sommes tous deux pendulaires. Nos enfants ayant grandi, nous réfléchissons à passer plus systématiquement au mode transport public.
Faites-vous vos courses en France?
Non, jamais.
Maîtrisez-vous l’allemand?
Je comprends bien l’allemand à l’écrit comme à l’oral. Parler en allemand vient quand je suis dans le bain. Je parle aussi la troisième langue nationale, l’Italien, ainsi que l’espagnol, l’anglais et le portugais.
Le bon côté de la médaille
Silvia Locatelli fait toujours preuve de ténacité et de combativité. Son réseau cantonal, tissé tant sur le plan politique que syndical, lui offre d’intéressantes perspectives électorales. Elle est aussi le meilleur atout du Haut pour garder un siège à Berne.
Le revers de la médaille
La socialiste est moins connue que sa colistière Martine Docourt dans le bas du canton. Et cette dernière a mis en place des réseaux depuis quatre ans.